Séance solennelle de rentrée des cinq Académies 2010 sous la présidence de Monsieur Roger Taillibert, président de l’Institut de France, président de l’Académie des beaux-arts, sur le thème : "Le doute"
par Monsieur André Vacheron, délégué de l’Académie des sciences morales et politiques
Le doute, élément essentiel de la création
par Monsieur Laurent Petitgirard, délégué de l’Académie des beaux-arts
Doute et recherche scientifique
par Madame Anne Fagot-Largeault, déléguée de l’Académie des sciences
Le plaisir et la sagesse de douter
par Monsieur Pierre-Sylvain Filliozat, délégué de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
Le doute : faiblesse ou force de la culture française ?
par Monsieur Jean-Christophe Rufin, délégué de l’Académie française
Les discours / Le doute, élément essentiel de la création
Je ne cherche pas, je trouve
,
aurait dit en 1923 Pablo Picasso, semblant ainsi répondre
définitivement par la négative à la
question de la place du doute dans le processus créateur.
Cette certitude affirmée semble rejeter toute idée de doute, à moins que ce génial créateur n’ait voulu se démarquer de mouvements artistiques, toutes disciplines confondues, qui entendaient caractériser leur originalité en faisant de leur recherche même l’objet qu’ils recherchaient, ou en offrant comme seul résultat le processus d’élaboration de l’œuvre.
On le comprend mieux lorsque l’on sait que ses
propos exacts étaient : Quand
je peins, mon but est de montrer ce que j'ai trouvé et non
pas ce que je suis en train de chercher
.
La notion de doute du créateur prend un sens
très différent selon le stade
d’élaboration de l’œuvre, et
l’angle sous lequel on l’examine.
Le doute récurrent sur sa propre capacité
à créer au niveau d’exigence
souhaité, le doute sur la cohérence et la
pertinence du travail en cours, doute sur la qualité de
l’œuvre lorsqu’elle est
achevée, doute sur son originalité, sur son
degré d’impact, sur sa capacité de
diffusion, sur sa pérennité.
Ces questionnements sont de l’ordre de l’inquiétude ; mais ce qui nous intéressera ici est plus essentiel, et s’apparenterait plutôt à un vertige.
Pour appréhender une œuvre nouvelle, chacun dispose de ses propres équations. Mais presque tous sont confrontés au doute fondamental, à la fameuse angoisse de la page blanche et au nécessaire rejet de tout ce qui ne serait pas indispensable, c'est-à-dire à l’inévitable va-et-vient entre la plume et la corbeille.
La lecture des manuscrits des compositeurs souligne à l’évidence la diversité des démarches, depuis l’écriture rapide, quasiment sans corrections, d’un Mozart, jusqu’à celle, rageuse et si fréquemment raturée, d’un Beethoven.
Le doute du créateur commence par la tentative de
se convaincre lui-même de la nécessité
de l’œuvre qu’il est sur le point
d’entreprendre et chacun disposera, à cet
égard, d’une solution
différente. Je doute avant, je doute
après – pendant, je travaille
, disait
malicieusement notre confrère Olivier Messiaen.
L’inspiration naîtrait-elle du doute, ou
d’un labeur quotidien qui nous la ferait imaginer comme un
muscle devant continuellement s’entraîner sous
peine de rouiller ? Probablement des deux.
Être inspiré, c’est aussi savoir se
rendre disponible aux énergies qui nous entourent.
Personne n’a exprimé cette douloureuse recherche de l’inspiration aussi bien que Victor Hugo dans ces quelques vers extraits du poème Que nous avons le doute en nous :
Aussi vous me voyez souvent parlant tout bas ;
Et comme un mendiant, à la bouche affamée,
Qui rêve assis devant une porte fermée,
On dirait que j'attends quelqu'un qui n'ouvre pas.
Le créateur ne peut pas se contenter de se tenir les deux
pieds au bord de la falaise et de regarder, pour s’en
inspirer, l’horizon.
Ce vide qui précède
l’œuvre à faire, il lui faut
s’y mesurer, au risque d’en perdre
l’équilibre.
C’est de la confrontation entre la fragilité de
son désir et la force d’une technique,
elle-même adossée à la
sécurité d’un savoir, que
peut-être naîtra l’œuvre. Mais
loin d’inhiber le processus créateur, ce sentiment
de déséquilibre semble incontournable.
Et c’est probablement la raison pour laquelle un grand nombre
d’artistes refusent toute idée de psychanalyse,
persuadés qu’ils sont que l’agent
essentiel de leur création est cette faille en eux,
qu’il ne faut à aucun prix chercher à
explorer.
En s’obligeant, par son travail, à aller
chercher au fond de lui même ce qu’il a de plus
fort et de plus sacré, l’artiste se retrouve dans
un état permanent d’introspection qui lui fait
prendre de la distance avec toutes les certitudes établies.
Dans ces moments si fragiles, il navigue entre ce qu’il
pressent comme indispensable de bouleverser et ce qui constitue le
socle de sa création.
Je m’inscris en faux contre l’affirmation
souvent entendue : Quel que
soit le langage qu’il utilise, un génie reste un
génie
. Le langage
n’est pas le simple véhicule d’une
pensée indépendante et il arrive que de grands
maîtres se fourvoient dans des œuvres marginales
qui ne sont que le reflet de leur concession à telle ou
telle pseudo modernité.
Le lien entre ce qui est le plus intime chez le créateur et
le langage qui lui sert de support ne se brise pas sans risque.
Il ne doute de rien
,
dira-t-on de celui qui entreprend de créer une
œuvre ambitieuse, alors que c’est
précisément le moment où il doute de
tout, sauf de la nécessité de se lancer dans la
réalisation de ce qu’il a imaginé.
On peut douter de ce que l’on va écrire sans
douter du fait que l’on doive l’écrire.
À la différence de
l’interprète, le créateur
défie le temps.
Chacun se souvient du célèbre sarcasme de Sarah
Bernhardt, adressé à l’une de ses
élèves qui lui affirmait ne jamais
connaître le trac : Rassurez-vous,
cela viendra avec le talent !
.
L’appréhension de
l’interprète peut-être immense, mais
elle trouvera le support d’un texte, alors que le doute du
créateur se situe dans une perspective
immatérielle et intemporelle.
Pour résoudre cette équation, le plus simple est probablement d’interpréter ses propres œuvres, ce qui vous garantit de douter avant, pendant et après.
La nature du matériau qui constitue la base
d’une œuvre nouvelle conditionne celle du doute qui
la précède.
Qu’il sculpte un modèle ou une forme abstraite,
qu’il écrive un roman historique ou un recueil de
poèmes, qu’il compose un opéra
d’après un livret ou un quatuor à
cordes, à chaque fois le créateur sera
confronté à une pléiade de doutes
d’essence différente.
Qu’elles soient figuratives ou abstraites, les
œuvres à vocation spirituelle ou
d’inspiration religieuse sont souvent dues à des
créateurs ayant transcendé leur doute
d’artiste par le doute inhérent à la
foi. En ces circonstances, ils ont pu donner le meilleur
d’eux-mêmes.
Les compositeurs manquent plus fréquemment leurs
opéras que leur Requiem.
Comme le disait joliment Ralph Waldo Emerson, On
a besoin d’accrocher sa charrue aux
étoiles
.
L’existence d’un matériau de base (le
modèle, l’argument, le programme, le livret),
souvent imposé dans le cadre d’une commande, ne
diminue pas l’intensité du doute, mais le
déplace dans la forme et dans le temps.
Le degré d’abstraction de
l’œuvre conditionne l’importance du doute
primaire, celui qui précède la
première esquisse.
Mais si indispensable et passionnante qu’elle soit, cette
étape ne doit pas durer au-delà du temps normal
de maturation.
Il faut au créateur la laisser
s’épanouir sur l’intime conviction,
sinon la certitude que l’œuvre à venir
est nécessaire.
Si entreprendre une œuvre pour répondre
à une commande peut paraître à
l’abord provoquer moins de doute chez le créateur,
la confrontation des premiers travaux avec le programme posera
très vite la question de la capacité de
l’artiste à demeurer pleinement lui même
tout en suivant ce parcours en partie obligé.
Lorsque Prokofiev écrit pour le cinéaste
Eisenstein, son langage garde sa force et son originalité.
Ainsi la cantate Alexandre Nevski,
tirée de l’admirable musique pour le film
éponyme, est-elle devenue l’une des
œuvres les plus jouées de son
répertoire.
Les 5 heures et 30 minutes du Napoléon
d’Abel Gance sont illustrées, lors des projections
du film avec la participation d’un orchestre symphonique, par
la musique d’Arthur Honegger, qui n’a en fait
composé que trente minutes de musique originale.
Le reste de la partition, assemblée par Marius Constant, est
constitué par cinq heures d’extraits de ses
symphonies et poèmes symphoniques.
Il est intéressant de constater que la puissance et le
foisonnement orchestral des œuvres symphoniques correspondent
parfaitement au film, alors que la musique originale, au langage
volontairement simplifié qui ne nous offre qu’un
pâle reflet de l’univers d’Arthur
Honegger, est beaucoup moins efficace.
Certains principes de création me paraissent
n’être en fin de compte que des esquives au doute.
Ainsi des interminables séries de quelques plasticiens qui
semblent d’avantage décliner un système
qu’assumer une véritable recherche, ou
l’écriture dite aléatoire, qui a
semblé un temps si moderne et si révolutionnaire.
Là où beaucoup ont vu une forme nouvelle de liberté ne se trouvait souvent qu’une incapacité à aller au bout d’un discours assumé, en déléguant aux interprètes des schémas préétablis, modulables et aménageables selon l’humeur.
Créer une œuvre dont l’essence même est que sa forme finale échappe à son créateur constitue un moyen, somme toute assez confortable, de s’affranchir du doute.
L’improvisation, discipline largement
utilisée en musique, voire au théâtre,
est souvent présentée comme une forme de
création immédiate, libérée
par sa spontanéité des contraintes de
l’écriture, qu’elle a
évidemment précédée.
Un grand nombre de musiques dans le monde sont encore
improvisées, mais souvent encadrées par des
règles strictes.
Utilisée par les jazzmans, l’improvisation sera la
plupart du temps soumise au canevas harmonique soutenant le
thème initial, ce qui permet aux différents
musiciens de s’exprimer dans la même direction.
Dans les musiques indiennes, les instrumentistes improvisateurs se
baseront sur des modes préétablis, leur
liberté n’est qu’apparente.
Les organistes, qui ont une grande tradition de
l’improvisation, apprennent à la
maîtriser dans sa forme la plus classique, c’est
une discipline qui requiert une grande culture.
L’improvisateur n’a pas le temps de se
poser de question, ou du moins il est condamné à
y répondre dans l’instant.
L’inventivité dont a fait preuve Olivier Messiaen
dans ses célèbres improvisations sur les orgues
de l’Eglise de la Trinité a
impressionné tous ceux qui ont eu la chance d’y
assister, mais l’héritage véritable
qu’il nous lègue tient avant tout dans son
œuvre écrite.
La dimension éphémère de
l’improvisation et son immédiateté
soulignent sa différence fondamentale avec
l’écriture : l’absence du doute.
L’improvisation peut ne pas aboutir, se considérer
comme une option, là où
l’œuvre écrite restera un choix
définitif.
Cette forme achevée de l’œuvre
est parfois difficile à assumer.
Le regard d’un créateur sur ses œuvres
de jeunesse est à ce sujet révélateur.
Quel est celui d’entre nous qui, reprenant une
œuvre ancienne à l’occasion
d’une réédition ou d’une
modification imposée quant à la durée
ou l’effectif, n’a pas été
confronté à la distorsion entre le premier jet et
la science acquise depuis l’écriture de cette
œuvre ?
La technique du créateur, son savoir et son
expérience se sont affirmés, mais ils ne peuvent
compenser l’oubli du questionnement originel qui
présidait à la création de
l’œuvre.
À chaque fil tiré pour parfaire ce travail de
jeunesse il prend le risque, s’il n’a pas
réussi à raviver l’élan de
départ, ce qui sous-entend retrouver le doute initial, de
déséquilibrer l’ensemble.
Le doute peut se manifester aussi dans le fait de laisser un
certain nombre d’œuvres inachevées, ou
d’en entreprendre un grand nombre simultanément,
ce qui revient au même.
Là où certains ne pourront travailler que sur une
seule œuvre à la fois et ne rien envisager
d’autre tant qu’elle ne sera pas
achevée, d’autres lanceront des dizaines
d’esquisses plus ou moins élaborées
pour n’en garder qu’un petit nombre, parfois aucune.
Il y a souvent distorsion entre le désir, voire la
nécessité d’entreprendre la
création d’une œuvre, et le
degré de maturation par l’auteur des
différents éléments qui vont la
composer.
Commencer une œuvre, par nécessité
psychologique, sociale ou contractuelle, alors que la
mystérieuse alchimie préparatoire n’a
pas encore porté ses fruits, entraîne
presqu’à chaque fois un arrêt, souvent
irréversible, au bout de quelques pages.
Pour user d’une comparaison triviale, il en va des œuvres comme des bons petits plats : la préparation est essentielle, en arrêter brutalement la cuisson peut se révéler fatal.
Pour illustrer cette faillite dans le processus créateur, je voudrais évoquer deux artistes majeurs qui ont pris la décision de détruire une partie importante de leur œuvre, quoique pour des raisons différentes, le peintre Georges Rouault et le musicien Paul Dukas.
Georges Rouault le fit d’une façon ostensible, en brûlant près de trois cents tableaux, mais il faut mentionner qu’il s’agissait, selon lui, de toiles inachevées.
Il se considérait comme trop âgé pour terminer ce travail, beaucoup de ces œuvres faisaient partie des sept cents toiles récupérées par l’artiste à l’issue de la longue procédure judiciaire qui l’avait opposé aux héritiers de son marchand, Ambroise Vollard.
Quant à Paul Dukas, son magnifique ballet La Péri,
composé en 1912, est la dernière œuvre
importante que le compositeur n’aura pas détruite.
Merci à ses proches qui ont réussi in
extremis à sauver ce
chef-d’œuvre quelques semaines avant sa
première exécution !
Mais pendant les vingt-trois années qui suivront,
disparaîtront, au nom d’un perfectionnisme
exacerbé, une seconde symphonie, un poème
symphonique, un drame lyrique, deux ballets, une sonate pour piano et
violon.
Paul Dukas était-il de ces artistes devenus
dépendants du doute, qu’ils utilisent comme un
bouclier, cet état de flottement permanent les
entraînant inévitablement à un
perpétuel dénigrement de leur travail ?
Ce perfectionnisme autodestructeur constituait-il l’ultime
parade du créateur devant le doute ?
À moins que cela ne soit l’enseignement de la
composition, tout de rigueur et d’exigence, qu’il
prodiguait au Conservatoire Supérieur de Musique de Paris,
qui ne l’ait finalement inhibé.
La transmission d’un savoir est une activité
passionnante et envahissante qui n’est pas toujours
compatible avec les exigences de la création.
En effet si l’enseignement d’une science
consiste essentiellement en une transmission de connaissances,
l’enseignement de la création pose un
problème bien différent.
Les classes de composition musicale du Conservatoire
Supérieur de Musique de Paris sont en principe
réservées à des étudiants
maitrisant déjà l’harmonie, la fugue et
le contrepoint.
Ces disciplines ont longtemps constitué le chemin
obligé pour prétendre concourir à
l’admission dans une classe de composition.
Même l’orchestration et l’analyse
musicale font l’objet de classes spécifiques.
Que reste-il alors au professeur de composition à
enseigner ?
La science de l’ordonnancement, puis de
l’assimilation de tout ce qui a été
appris tout en gardant sa liberté, l’art du
vertige, la maîtrise de la peur, ou peut-être
l’apprivoisement du doute ? Enseigner la
création consiste parfois à simplement aider le
jeune artiste à dénouer lui-même les
fils du carcan que la vie a créé autour de sa
sensibilité.
On s’imagine volontiers que le plus difficile, pour
un créateur, serait d’écrire en ayant
à l’esprit les chefs-d’œuvre
absolus des grands maîtres en face desquels la comparaison
semble impossible.
Je pense au contraire que la fréquentation du
génie est stimulante.
Il est beaucoup plus inquiétant de se
référer aux vingt lignes de texte ou aux trente
secondes de musique que l’on sait réussies dans
l’une de ses propres œuvres, plutôt
qu’au théâtre de Beckett ou aux
Préludes de Debussy.
On pourrait croire que la maturité,
l’expérience et la maîtrise technique
acquises par le créateur contribuent à diminuer
le doute, il n’en est rien.
« Ai-je encore quelque chose à
dire ? »
, telle est la question
que se pose alors l’artiste qui a déjà
à son actif une œuvre importante.
Le doute est un moyen de remettre en cause son acquis et ses
connaissances, non pas dans le but de les oublier, mais bien au
contraire dans celui de les transcender.
Et c’est peut-être dans la capacité des
créateurs à se remettre
perpétuellement en cause et à assumer les
incertitudes auxquelles ils sont confrontés que
réside leur singularité.
Lors de la conception d’œuvres d’une longue durée ou de dimensions importantes, qui s’étale sur plusieurs années, il arrive un moment où le poids de ce qui a été déjà réalisé entraîne le créateur.
Il y a là comme une revanche sur le doute, un
moment où la suite apparaît comme une
évidence.
Ce sont des instants à savourer car ils ne durent jamais
très longtemps.
Ils font partie de l’aspect jubilatoire de la
création, que l’on veut toujours associer
à la souffrance, mais qui comprend aussi une part
d’exaltation.
Il y a, dans l’acte de créer, une dimension
enivrante, comme le sentiment de participer à un banquet
avec soi-même.
Du fait de la longueur de leur élaboration et de
leur achèvement, ces œuvres de grandes dimensions
imposent souvent aux créateurs la
nécessité de réaliser
simultanément un projet beaucoup plus court, qui va
s’insérer et les obliger à suspendre
leur cré de l’aspect jubilatoire de la
création, que l’on veut toujours associer
à la souffrance, mais qui comprend aussi une part
d’exaltation.
Il y a, dans l’acte de créer, une dimension
enivrante, comme le sentiment de participer à un banquet
avec soi-même.
Du fait de la longueur de leur élaboration et de
leur achèvement, ces œuvres de grandes dimensions
imposent souvent aux créateurs la
nécessité de réaliser
simultanément un projet beaucoup plus court, qui va
s’insérer et les obliger à suspendre
leur création première.
Retrouver l’intensité et le fil de
l’émotion, à l’issue
d’une période qui aura entrainé le
créateur vers des horizons très
différents, est une véritable épreuve
qui fait ressurgir tous les doutes et jeter un regard
distancié sur le travail accompli. Cela peut se
révéler bénéfique ou
déprimant suivant les cas.
Que l’œuvre soit monumentale ou miniature,
la période qui précède le premier coup
de pinceau, de burin ou de plume est un étonnant
mystère et il reste bien difficile de définir
avec précision l’importance du doute dans le
processus créatif.
Nous sommes dans le domaine de l’intime, de
l’ineffable et je ne peux prétendre ici que livrer
le sentiment issu de ma propre expérience de compositeur.
L’acte créateur me semble être
le lieu où cohabitent un doute profond et une
impérieuse nécessité.
Le doute, comme un questionnement permanent de
l’œuvre en gestation,
l’impérieuse nécessité
d’avancer, comme l’évidence que son
chemin est dans la création : voilà
peut-être le fragile équilibre dans lequel se
débattent ceux qui ont l’audace
d’espérer tracer quelques signes dans la
mémoire des hommes.